En 1969, Jacky Ickx s'imposait aux 24h du Mans avec... 120 mètres d'avance
Il y a 50 ans, le 15 juin 1969, Jacky Ickx remportait ses premières 24h du Mans. Récit d’une des éditions les plus mémorables de la classique mancelle...
- Publié le 15-06-2019 à 12h00
- Mis à jour le 25-06-2019 à 11h32
Il y a 50 ans, le 15 juin 1969, Jacky Ickx remportait ses premières 24h du Mans. Récit d’une des éditions les plus mémorables de la classique mancelle... Quand vous demandez à des fans aux tempes grises quelle édition des 24 heures du Mans ils préfèrent, ils vous répondent souvent 1969. Parce que cette édition marque un tournant dans l’histoire de la plus grande de toutes les courses.
Le duel homérique Ford-Ferrari fait certes partie du passé depuis désormais deux ans mais le changement dans la réglementation a permis d’ouvrir la compétition et à d’anciens outsiders de monter en grade dans la hiérarchie. Se cantonnant naguère aux victoires de catégorie, Porsche et Alfa Romeo visent désormais le scratch tandis que Ford est toujours représenté via des engagements privés. Alpine, Matra, Lola et bien évidemment Ferrari ont également leur mot à dire pour la dernière édition des sixties.
Le public ne s’est pas trompé en répondant en masse : 400 000 spectateurs se réunissent pour faire la fête dans la Sarthe les 14 et 15 juin. Pourtant, cet opus a déjà connu ses drames bien avant la mi-juin. Lors des essais préliminaires, Lucien Bianchi s’est tué, entraînant le retrait de l’équipe officielle Alfa Romeo. Henri Pescarolo a également eu un grave accident au volant de la révolutionnaire Matra 640 qui le contraint à suivre la course depuis son lit d’hôpital.
Soit, c’est l’heure de la course et le long des stands, des monstres attirent l’attention. Porsche a conçu un nouveau prototype qui deviendra un des modèles de légende de la firme allemande : la 917. Trois exemplaires sont engagés au Mans. Des machines terriblement rapides mais aussi terriblement rétives.
"Quand nous avons abandonné, je n’étais pas triste mais heureux", commentera Dick Attwood. "Car je savais que je n’aurais plus à prendre le volant et à risquer ma peau au volant d’un monstre pareil."
Après un premier tour marqué par l’accident mortel de John Woolfe sur sa 917 privée à Maison Blanche, les Porsche se relaient au sommet de la hiérarchie. Les Ford et les Matra sont en embuscade tandis que les Alfa et Alpine disparaissent.
Dimanche en début d’après-midi, on se dirige vers un doublé de la marque de Stuttgart, mais à la 21e heure, la 917 rescapée et la 908 de pointe capitulent. C’est donc… la Ford de Jacky Ickx qui est en tête, menacée par la seule 908 restante pilotée par Herrmann.
La suite est connue : au terme de huit changements de leader, Ickx s’impose pour 120 mètres d’avance sur la Porsche. Un épilogue magique qui clôture une édition magique.
24 HEURES DU MANS 1969
1. Jacky ICKX/Jackie Olivier (Ford GT 40) 4.997,995 km (208,249 km/h de moyenne);
2. Harrmann/Larousse (Porsche 908);
3. Hobbs/Hailwood (Ford GT 40);
4. Beltoise/Piers Courage (Matra);
5. Guichert/Nino Vaccarella (Matra)...
"Nous étions conscients que nous pouvions ne pas rentrer..."
En 1969, celui qui allait devenir Monsieur Le Mans est entré dans l’histoire de la Sarthe par la grande porte.
Il n’avait à l’époque que 24 ans. Jacky Ickx s’était déjà taillé une solide réputation en voitures de sport. Deux ans plus tôt, il avait brillé de mille feux aux 1 000km de Spa, signant notamment un premier tour d’anthologie. Alors qu’il se présente au départ des 24h du Mans 1969 sur la Ford GT40 qu’il partage avec Jackie Oliver, Jacky sait que la Faucheuse risque de le happer.
"À la fin des années 1960, le sport automobile n’avait pas le niveau de sécurité d’aujourd’hui, son quotidien était souvent fait d’accidents graves ou mortels", se souvient-il. "Les accidents n’ont arrêté personne, mais nous étions conscients que, lorsque nous partions en week-end de course, nous pouvions ne pas rentrer chez nous le lundi."
Le moment le plus spectaculaire de la classique mancelle est assurément le départ où tous les pilotes se ruent vers leurs bolides stationnés à l’autre bout de la piste. Un ballet ahurissant mais terriblement dangereux.
À l’époque, les pilotes ne prenaient pas la peine de s’attacher pour gagner du temps. En cas d’accident, les conséquences pouvaient être gravissimes, comme ce fut le cas d’un Belge, Willy Mairesse, sorti dans le premierr tour dans les Hunaudières l’année précédente. Un crash qui allait lui provoquer des dommages irréversibles le poussant finalement au suicide.
"Le problème de ce magnifique départ en épi, c’est qu’il y avait un choix à faire", admet Monsieur Le Mans. "Quand on courait vers sa voiture et qu’on voulait partir parmi les premiers, pas question d’attacher sa ceinture. Nous ne faisions pas partie des favoris, nous étions 14es sur la grille, et sur une épreuve de longue distance comme les 24 heures, le départ a peu d’importance. Il était donc facile de partir dernier et de mettre sa ceinture tranquillement."
La suite, on la connaît. Après avoir marché vers sa GT40 pour protester contre cette procédure, Ickx décroche son premier succès sarthois. Par son coup de gueule, il a peut-être sauvé indirectement la vie de nombreux pilotes.
"Certes, nous sommes partis derniers et nous sommes arrivés premiers. Mais imaginez que nous soyons arrivés deuxièmes... on pourrait me dire aujourd’hui : ‘Au lieu de faire le malin au départ, vous auriez pu vous dépêcher un peu plus et vous auriez gagné la course.’ Mais le plus important, c’est de faire les choses avec conviction."
Et ainsi, le Bruxellois est entré dans la légende du Mans.